Village de Knenatke

Allait-on les sacrifier à des divinités païenne? Allait-on les dévorer? Ces sauvages étaient sûrement cannibales, se dirent les survivants... Et comment diable le chef des guerriers pouvait-il parler noordzeelandais? Que des questions, mais aucune réponse...

-Michiel, as-tu mémorisé le parcours que nous avons fait pour venir jusqu'ici? J'ai perdu connaissance pendant le trajet...

-Non, capitaine, impossible... Trop de brouillard, trop de sapins!

-Mmmh...

Andries chercha du regard le fameux chef de la tribu qui savait parler sa langue.

Knenouk entendant les deux hommes parler, s'approcha d'eux...

D'un coup de son harpon il assomma celui qu'il avait entendu être appelé Michiel - quel drôle de nom! - puis il s'approcha d'Andries, qui revêtait un uniforme montrant son prestige...

- Toi, Noordzeelandais, tu es un chef, comme je suis un chef.

Voyant sur le visage du prisonnier son étonnement, Knenouk s'expliqua:

- Je parle un peu ta langue. On m'a enseigné. Ici vivent quelques hommes comme toi, perdus sur les mers ou les glaces. Ils sont nos hôtes. Dès mon jeune âge, on m'a fait parler ta langue, on savait que tu viendrais avec ton peuple.

Comprenant l'incompréhension du Noordzeelandais qui entendait cette musique de transe, Knenouk précisa:

- Nous ne mangeons pas d'homme blanc, trop dur! (éclats de rire)... Nous préparons cérémonie pour repos de tes hommes et pour te purifier avant de te donner le message pour les tiens et de te renvoyer...

-Ah! Euhh... Oui, c'est très gentil de ta part, grand et puissant chef... Hum! Je te remercie pour ta prévoyance, moi et mes hommes sont honorés!

Andries se méfiait du guerrier indigène, lui et ses hommes avaient très peur. Ils ne voulaient pas se faire fendre le crâne comme leurs camarades. Le fier capitaine se passa la main sur le front, celui-ci était décidément ensanglanté. Son sang ou celui d'un autre? Peu importe...

-Il existe d'autres gens comme nous non loin d'ici, dis-tu? Vraiment? Et quel est ce message que tu veux faire parvenir à mes semblables?

Knenouk rit en voyant la peur de l'homme blanc...

- Oui, des hommes blancs vivent là. Tu verras peut-être Amanikte, qui s'appelait Piet dans ta langue. C'est un ami...

Knenouk prit un air plus grave...

- Mon message... Cette terre n'est pas vôtre! Notre peuple a déjà repoussé et renvoyé à leur dieu des blancs de ton pays il y a de cela des dizaines de lunes... Nous sommes les fils de cette terre, les Aïnouts sont les gardiens de la nature...

Knenout se calma un peu et reprit, arborant à nouveau un léger sourire:

- Nous pouvons vous accueillir en amis, mais pas en maîtres, Andries!

Andries gonflea sa poitrine dans son uniforme frippé.

-Hum! Ces terres appartiennent à la Noordzeeland! Toutes les terres foulées par les hommes de la Terra Septentrionalis Corporation nous reviennent de droit!

Le capitaine sortit de sa poche un document qu'il remit au chef Aïnout.

-Ainsi tu me racontes que tu massacres régulièrement des Noordzeelandais sur leur domaine? Justice sera faites, vous serez punis! Nous sommes vos maîtres!

Knenout rit de bon coeur puis répondit à Andries en lui prenant le papier des mains:

- Je ne sais pas lire... Notre culture est orale, et depuis les nuits les plus anciennes on conte que les Aïnouts sont nés des Dieux...

Knenout jeta le document dans un foyer voisin et reprit:

- Nos seuls maîtres sont les Dieux, les hommes blancs ne sont rien! la justice est mienne en ces terres du littoral...

Knenout leva son harpon en souriant allègrement et dit à Andries avant de l'assommer:

- Tu as besoin de sommeil, la cérémonie sera dure, repose-toi donc, homme avide!

-Hein? La cérémonie sera dure? Aïe!

Andries s'étala de tout son long... Il ne se réveilla que plus tard, afin de prendre part à cette mystérieuse cérémonie...

Quand le Premier Ministre noordzeelandais se réveilla, il était revêtu d'une peau de phoque et de peintures corporelles... Plusieurs heures ou jours avaient dû s'écouler sans qu'il n'en soit conscient...

Autour de lui des chants et des danses. Il ne comprenait rien à ce qui se disait ni à ce qui se faisait. Des femmes battaient les tambours tandis que des hommes revêtant des tenues de chasseurs et arborant des armes primitives mais efficaces dansaient frénétiquement dans ce qui ressemblait à des transes chamaniques...

Knenouk apparut alors, paré de ses plus beaux atours de chef tribal, portant des dents de morses autour du cou et des pattes de rennes sur le torse... Il leva son impressionnant harpon et le silence se fit, encore tout emprunt de rythmes sauvages...

Le chef des tribus de la côte prit alors la parole, dans un enchaînement de claquements sonores:

- utukÿk lakadeke dep meneök DIERCKENS u agaknek lakäktke! tak!

puis en noordzeelandais:

- Aujourd'hui l'homme impur DIERCKENS va mourir et renaître! Allons!...

Les tambours se remirent à battre au rythme des chants endiablés des femmes Aïnouts, on jeta des herbes dans les flammes qui s'en allèrent lécher les étoiles....

Le jeune chef des Aïnouts du littoral redoutait la présence de l'Ancien des Montagnes... Kujjuaq était réputé pour sa bravoure mais aussi pour sa cruauté gratuite et sans bornes...

Il s'adressa alors au vieux au visage raviné:

- Honorable Kujjuaq, fils de l'Ours et du Torrent, bienvenu en terre d'Agadÿk... Je te propose hospitalité. Cerpendant, je ne te proposerai pas la viande -dit le jeune Aïnout en désignant Dierckens, le regard pensif mais lointain à la fois...