Désarroi

Knenouk voyait depuis quelques mois l'emprise des Blancs de plus en plus importantes sur les terres blanches de son pays.

Des trappeurs étaient venus chaque fois plus nombreux, apportant avec eux miasmes et alcool... Des camps nomades s'installaient dans les clairières et décimaient les troupeaux de rennes mais aussi les ours puissants et les loups.

Knenouk avait mal, la nature souffrait et patissait de la bêtise et de l'irrespect de ces hommes barbus et avide de tout ce qui n'était pas leur. On disait même qu'entre les rivières corrompaient les eaux, source de vie pour les animaux et les hommes, en nettoyant les gravas issus du sol afin d'y chercher et d'y trouver parfois de ce minerai jaune dont les blanc criait le nom à chaque découverte: "Geld! Geld! Ja, dat is!" (de l'or, de l'or, oui, ça en est!)

Tout cela devait cesser, la survie des Aïnouts en dépendait. Déjà le littoral leur était moins accessible, pourraient-ils continuer de se réfugier dans les terres gelées toute l'année?

Sujet: Re: Désarroi Jeu 24 Mar 2011 - 22:42

Les deux dernières années s'étaient écoulées dans la peur, la fuite et l'indifférence...
Les campements avaient continué de se multiplier, tout comme les exactions... Tout particulièrement de la part des brutes russlaves engagées comme gros bras par les sociétés de trappeurs: on retrouvait parmi ces gens les pires des armées tsaristes ayant fui la république...

Les villages Aïnout souffraient et disparaissaient! Certaines communautés préféraient monter plus au nord encore, mais cela n'était qu'avancer la fin; l'éloignement de la mer les privait de ressources alimentaires non négligeables...

Ceux qui transigeaient finissaient comme "bons à tout faire" des noordzeelandais... Beaucoup sombraient dans l'alcool (la vrodka russlave coulait à flots dans les troquets fréquentés par les trappeurs).
Pire, nombreux étaient ceux qui périssaient sous les coups de leur patrons ou bien encore dans des bastonnades anonymes et assassines...

Les femmes étaient plus mal loties encore que les hommes: une quantité indéfinie -mais pour sûr trop importante- de femmes Aïnouts passait par les couches du conquérant, que cela soit par la force ou par appât du gain... De ces unions, toutes brutales, naissaient de plus en plus de "Mokanactÿks": ces enfants à la peau blanche, aux cheveux souvent blonds et aux yeux bridés... Les métisses issus de cette rencontre violente de mondes opposés et presque incompatibles par essence, étaient abandonnés à une vie la plus cruelle et la plus injuste dès leur naissance...